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Val McDermid

MD (nov 08)

Voir les comptes rendus détaillés sur Le tueur des ombres , Noirs tatouages, Sous les mains sanglantes et La dernière tentation.


En un coup d'oeil

NOTE: Cette fiche d'auteur se limite à la série des enquêteurs Hill et Jordan, la plus connue de l'oeuvre de McDermid.

  • Naissance: 1955
  • Nationalité: écossaise.
  • Autre occupation : journaliste (journaux et radio)
  • Premier roman publié: Le Chant des sirènes (1995, traduit en 1997), du moins premier dans la série qui nous intéresse ici, celle du profileur Tony Hill et de l'inspecteur Carol Jordan; McDermid, toutefois, écrit aussi la série des Lindsay Gordon, commençant par Report for murder, 1987, et la série des Kate Brannigan, commençant par Dead Break, en 1992.
  • Personnages vedettes: Tony Hill et Carol Jordan (qui travaillent habituellement ensemble).
  • Genre(s) de prédilection: thriller psychologique noir et procédure policière.
  • Lieux de prédilection pour ses intrigues: Angleterre.
  • Liste des romans traduits en français: 4 des 5 de la série sont traduits :
  • Ordre de lecture à respecter: préférablement.
  • Auteurs apparentés: Ian Rankin, mais en pire!

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À mon avis

Née en 1955 dans la région de Fife, où enquête souvent son compatriote l'inspecteur Rébus (cf. Ian Rankin), fille de mineurs, Val McDermid est un personnage flamboyant dont l'étoile a rapidement brillé dans l'univers des polars de type thrillers. C'est Le Chant des sirènes (1995) qui l'a vraiment fait connaître à un large public et lui a valu le Gold Dagger, une référence fort respectable. Journaliste pendant une quinzaine d'années à Glasgow et à Manchester, revendicatrice de sa nationalité écossaise, militante anti-Thatcher, le cœur à gauche, féministe, sexuellement peu conventionnelle, amateur de bières belges et de bons petits plats, tous ces éléments se retrouvent dans ses romans. Comme écossaise, par exemple, elle se rapproche plus de RL Stevenson (Jekyll et Hyde) que d'Agatha Christie ou Dorothy Sayers; dans une entrevue, elle avance que l'Écossais est une synthèse du puritanisme calviniste (d'où le côté noir de ses histoires) et du goût gallois pour les partys débridés (qu'elle réserve probablement pour sa vie, parce que ses héros fictifs ne font pas souvent la fête). Son travail de journaliste lui a servi à définir l'héroïne de sa première série, Lindsay Gordon. Son côté féministe est omniprésent : Kate Brannigan, détective privée dans le sillon du polar américain, est une femme de tête qui s'en laisse peu imposer; et, dans la série qui nous intéresse ici, Carol Jordan, pourtant féminine à ses heures, manifeste souvent des réactions plus viriles que celles de son coéquipier Tony Hill. Ambiguïté sexuelle fréquente de ses personnages ou homosexualité clairement affichée : Lindsay Gordon est lesbienne, belle audace dans une Angleterre encore timorée (1987) malgré ses positions officielles. Ceci dit, ses romans n'ont rien d'un plaidoyer. Et McDermid a horreur des étiquettes; depuis qu'elle est devenue un personnage public et que les journalistes lui courent après à la recherche du détail croustillant susceptible de faire la une, elle se trouve comme piégée : ou elle laisse passer ou elle en remet; dans les deux cas, son intimité en prend pour son rhume. Le plus bel exemple est récent (1987) : alors que son ami Rankin avait déclaré que les polars les plus pittoresques, crus, (graphic novels), étaient actuellement écrits par des femmes, particulièrement des lesbiennes, et que McDermid avait dit qu'elle était plutôt en désaccord avec ce jugement, les journaux ont gonflé cette histoire en affrontement violent entre les lesbiennes et les straight.

McDermid ne veut pas non plus qu'on l'identifie à un type de polars. Elle a publié plus de 20 romans en 20 ans : 6 Lindsay Gordon (le dernier en 2003); 6 Kate Brannigan (le dernier en 98); 5 Hill/Jordan (le dernier en 2007); et 8 hors série (de 1994 à 2008). Depuis 2001, toutefois, la télévision britannique a produit six séries inspirées des romans Hill/Jordan (qu'on peut se procurer en dvd), et il ne sera pas facile pour elle de ne pas y être attachée : Wire in the blood (La fureur dans le sang); c'est aussi le titre du deuxième roman de la série. C'est par ce roman que j'ai pris contact avec McDermid et ça faisait longtemps (car je lis habituellement un polar pour relaxer avant de me coucher) qu'un thriller m'empêchait de dormir. Moins sanglant que Le Chant des sirènes, c'est pourtant peut-être celui qui traduit le plus spécifiquement l'univers tendu, terriblement noir de cette série. Même les éclairs de luminosité (paysages, jolies robes des petites filles, maisons cossues…) accentuent par contraste l'atmosphère apocalyptique qui se dégage de cette histoire. Avec, en prime, la vulnérabilité des enquêteurs eux-mêmes. Même si les énigmes sont résolues, ils ne s'en sortent jamais indemnes. Le profileur Tony Hill est contaminé par les horreurs qu'il analyse; la policière Carol Jordan risque continuellement sa peau, et parfois en perd une partie. L'histoire nous bouscule dans toutes les directions, le crescendo est féroce et l'angoisse s'installe impitoyablement.

McDermid construit des whydunit plutôt que des whodunit. C'est ce genre, selon elle, qui a ouvert le plus de voies intéressantes pour le polar moderne. D'où l'importance de l'histoire comme telle, plutôt que de l'intrigue, où la procédure policière dépend en grande partie des investigations psychologiques. Or, qui dit profileur, dit crimes en série violents et à connotation sexuelle (la plupart du temps). L'histoire des horreurs commises, pour être comprise, implique que le profileur entre dans la peau du tueur. Ce travail de métamorphose est un élément primordial dans les récits de McDermid. C'est peut-être une des raisons pour laquelle le lecteur qui a tendance à s'identifier au héros se retrouve passablement troublé. Il s'ensuit que l'évocation des lieux, l'originalité des personnages ou les effets de style passent inévitablement au second plan. Et, au troisième plan : les innovations techniques utiles au travail de l'enquêteur : « Il faut les connaître, mais pas trop s'y attarder ».

Bref, malgré le risque d'insomnies, les thrillers de Val McDermid produisent une dose puissante de satisfaction. Et les horreurs dont elle nous abreuve, et que quelques bonnes âmes lui ont reprochées, créent, au contraire, une certitude rassurante : notre société est, malgré tout, assez saine, et notre entourage assez convivial.

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