Le club des polarophiles québécois

Buckingham Palace Gardens (d'Anne Perry)

MD (mars 2009)

Voir aussi ma fiche 5 étoiles pour Anne Perry.


En un coup d'oeil

  • Date de publication originale: 2008 (Buckingham Palace Gardens)
  • Date de l'édition française: 2009 (10-18 #4227, 409 p)
  • Genre(s): procédure policière en Angleterre victorienne.
  • Mots-clés: partouze princière, projet commercial, ambitions.
  • Personnage principal: Thomas Pitt, de la Special Branch.
  • Résumé: ici.

À mon avis

C'est le vingt-cinquième épisode de la série Charlotte et Thomas Pitt. Depuis quelques années, Anne Perry, tout en continuant la série William Monk, s'est renouvelée avec les aventures de Joseph et Matthew Reavley, saga d'espionnage au cours de la Première Guerre Mondiale. On avait déjà senti ce vent de changement dans la série Pitt depuis qu'il s'était joint, bien malgré lui, à la Special Branch. Même si Narraway l'avait recruté pour ses qualités d'enquêteur, la thématique et les enjeux s'étaient sensiblement déplacés. On passait de la moite intimité de la société victorienne à l'éclatement de ce vase clos au profit d'une mondialisation, encore modeste, des conflits, via le problème irlandais et un genre de terrorisme, populaire à la fin du XIXe siècle aussi bien en Angleterre qu'en Russie, en France et en Italie. C'est pour affronter ce genre de nouveaux problèmes que fut créée la Special Branch.

Les nostalgiques du brave Inspecteur Pitt le retrouveront ici avec d'autant plus de plaisir que nous avons presque affaire à un mystère de chambre close; avec quelques nuances, car le Buckingham Palace n'est pas un loft. Pas de Charlotte, cependant, ni de vie de famille : Pitt séjourne à Buckingham, quitte à perdre ses illusions sur la monarchie britannique. Par contre, son inflexible patron, Narraway, prend beaucoup de place, s'efforçant d'amasser des informations sur les huit invités du prince de Galles; il parcourt les clubs huppés, interroge les sommités et se paye même une visite à l'immortelle tante Vespasia. Bref, il se réduit à faire un peu le même travail que Tellman dans le temps, pendant que Pitt ne comprend pas le rapport entre trois meurtres apparemment analogues : celui d'une femme légère en Afrique quelques années plus tôt, celui d'une prostituée invitée par le prince pour animer une soirée entre hommes, et celui de la fille d'un haut dignitaire, qui faisaient partie de la délégation rassemblée pour discuter de la construction d'un chemin de fer reliant Le Cap au Nord de l'Afrique. Heureusement, Narraway et Pitt ont introduit au Palais Gracie, la domestique des Pitt, à titre de servante de la Maison royale. Ses talents d'observatrice et de fouineuse serviront à Pitt une fois de plus.

Depuis que Jacques Henry me pervertit avec les univers morbides et violents des polars américains qu'il fréquente, j'avoue que je me suis senti un peu pantouflard d'aimer ce genre de romans. J'ai compris aussi, dans la mesure où j'ai souvent pensé à Agatha Christie en lisant ce dernier roman d'Anne Perry, pourquoi certains commentateurs voyaient en Christie une précurseure des cozy mysteries. Ne poussons pas trop la comparaison : nous n'assistons peut-être pas aux meurtres en direct, mais les cadavres sanguinolents ne nous sont pas épargnés. Comme toujours chez Perry, nous côtoyons l'aspect le plus sombre des âmes noires dont les motifs sont méprisables. Et Pitt ne tombe pas en amour avec la Princesse de Galles...

Roman de procédure policière systématique : les domestiques sont interrogés, puis les personnages importants, après qu'un chapitre les ait substantiellement décrits par leur façon d'agir. Narroway enquête sur un autre terrain. Gracie découvre des éléments troublants. Réunion où on tente d'assembler les pièces du puzzle. Rebondissement qui remet tout en question... La structure est impeccable, l'écriture facile et, dans celui-ci particulièrement, l'aspect mystère très réussi : plus le nombre de suspects se réduit, moins le mobile est évident, et on ne voit toujours pas le rapport avec ce vase brisé, cette grosse boîte de livres et le sang dans des bouteilles de porto! J'ai tourné les pages rapidement parce que je ne pouvais plus retenir ma faim.

Ma note: 4.5 / 5 et Coup de cœur!