Nos 5 étoiles

Anne Perry

MD (nov 08)


En un coup d'oeil

Voir mon compte rendu de ses cinq derniers romans: Buckingham Palace Gardens , Mémoire coupable, Lisson Grove, La fin justifie les moyens et Dorchester Terrace

  • Naissance: 1938
  • Nationalité: britannique
  • Autre(s) métier(s): conférencière
  • Premier roman publié: L'Étrangleur de Cater Street (1979).
  • Romans traduits en français : tous (chez 10/18)
  • Personnages vedettes:
    • Thomas Pitt, inspecteur de la police londonienne, puis attaché à la Special Branch.
    • William Monk, détective privé, ancien policier. Précisons tout de suite que ce Monk n'a rien à voir avec le Monk popularisé par la télévision québécoise.
  • Lieux de prédilection pour ses intrigues: Londres
  • Genre(s) de prédilection: procédure policière
  • Ordre de lecture à respecter : il faut les lire de préférence dans l'ordre où ils ont été composés, surtout les Monk, mais chaque roman est complet en soi.

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À mon avis

Anne Perry a été publiée sur le tard (1979, elle a 41 ans) mais, depuis, elle produit en moyenne deux romans par année. A part la série des Pitt et celle des Monk, elle a commis une sorte de saga qui tourne autour de la première guerre mondiale : les enquêtes de Joseph et Matthew Reavley. Je n'ai pas fini de lire cette série dont le cinquième et dernier tome devait être publié cet été (2008). Genre difficile à classer : pas un roman policier, pas un roman d'espionnage (même si un des frères appartient aux services secrets), et je n'oserais pas appeler ça un roman de guerre. Mais, c'est bon ! Puis, deux romans dans une autre série : Celie : A l'ombre de la guillotine, qui se passe comme il se doit en France au moment de la Révolution française, qui ne m'a pas emballé (ce qui ne signifie pas qu'il n'est pas bon), et Un plat qui se mange froid que je ne connais pas. Elle a publié aussi des Histoires de Noël ( 5 romans dont au moins 3 sont traduits), dont l'originalité est de confier l'enquête à des personnages qui apparaissent dans la série des Pitt et dans celle des Monk. La Disparue de Noël, avec Lady Vespasia Cumming-Gould, est un roman bien gentil, justement à lire au temps des Fêtes.

Les amateurs de polars se concentreront sur l'Inspecteur Pitt et le détective Monk. Ici, les crimes sont affreux, comme on les aime. Dans les deux cas, l'action se déroule à Londres à l'époque de la reine Victoria, à partir des années 1870 dans le cas de Pitt, à partir des années 1850 dans le cas de Monk.

William Monk est un ancien policier. Il a dû abandonner son métier suite à un accident qui l'a rendu amnésique (1856). Il devient alors détective privé et, plus tard, rejoindra la Police de la Tamise. Son tempérament brutal et suffisant se tempère un peu lorsqu'il rencontre l'infirmière Hester Latterly, plus exactement lorsqu'il commence à la fréquenter, d'autant plus qu'elle est elle-même très indépendante et particulièrement courageuse. Elle arrive de la guerre de Crimée où elle a travaillé dans des conditions misérables avec Florence Nightingale. Son cœur hésitera longtemps entre Monk et le talentueux avocat Sir Oliver Rathbone. Cette toile de fond sentimentale, loin de nous éloigner de la trame proprement policière, donne plus d'épaisseur aux principaux personnages. Elle instaure aussi une certaine continuité d'une aventure à l'autre. Malgré les heurts inévitables, par exemple, entre les deux fortes personnalités de Monk et de Rathbone, les deux sont amenés à collaborer ; la plupart du temps, en effet, le roman est divisé en deux parties : la partie proprement policière où Monk, souvent avec Esther, mène l'enquête, et la partie procès, où Rathbone transforme en arguments juridiques les indices amassés par Monk. Autre aspect de cette continuité, d'un roman à l'autre, Monk retrouve des fragments de son passé, de sorte que l'ensemble de l'œuvre est traversé par une quête de soi. C'est pourquoi je proposais de lire les romans dans l'ordre chronologique. Ceci dit, chaque livre est autonome, porte sur un cas particulier et aboutit à une conclusion définitive. La plupart des enquêtes se déroulent à Londres ou dans la campagne avoisinante, et Perry a le don de nous faire voir le violent contraste entre les habitations délabrées des quartiers pauvres, envahies d'odeurs nauséabondes, et les demeures somptueuses, joliment fleuries, des quartiers bourgeois. Il ne s'agit pourtant pas d'un document sociologique ; mais le souci du détail de l'auteure se manifeste aussi bien dans la description du milieu que dans l'élaboration des complexités de l'intrigue.

Thomas Pitt est au service de la police londonienne, dont il gravira lentement, et comme malgré lui, les échelons (inspecteur, puis commissaire), parce qu'il se définit comme un homme de terrain et qu'il n'a pas d'autres ambitions que de mener à bien son enquête. Même s'il se soucie de l'ordre établi d'une façon générale (il n'est pas contestataire dans l'âme comme beaucoup d'autres héros de polars), il résiste à toute pression politique, est indifférent aux belles manières des grands bourgeois (dont il a d'ailleurs, malgré ses origines modestes, épousé une digne représentante), et s'écarte assez souvent des voies que ses supérieurs lui suggèrent d'emprunter. C'est qu'il a la tête dure, et ne se soumet qu'à la persuasion intelligente ou l'évidence des faits. Pas aussi intelligent qu'un Holmes, pas aussi élégant que Poirot, pas aussi rusé que le Juge Ti, et pas aussi fort que James Bond, c'est sa ténacité animée par le sens de la justice qui le rend redoutable. Par ailleurs, il est bien entouré, ce qui est indispensable dans une société londonienne où la bourgeoisie a pris du temps à se persuader de l'importance de la police : les crimes, c'est affaires d'autrui. Par l'intermédiaire de son épouse Charlotte, elle-même souvent très active dans l'enquête, il peut avoir accès aux demeures des riches, même si c'est par l'entrée des domestiques. Sa belle-sœur a épousé un membre du Parlement, ce qui s'avère utile quand le crime a des connotations politiques. Et quand tout semble désespéré, la vieille tante Vespasia, qui est née avec le siècle et connaît tout le monde, est sollicitée, habituellement avec des résultats intéressants. Malgré tout ce beau monde, les crimes sont la plupart du temps affreux, non pas au sens de sanguinolents, mais au sens où les motifs les plus sombres ont entraîné les gestes les plus odieux. Bien souvent aussi, des personnages sympathiques et liés de près aux principaux protagonistes se font tuer. De sorte que les happy ends sont fréquemment moins glorieuses qu'amères. Cette dimension d'incertitude est accentuée par l'existence du Cercle Intérieur, un groupe de notables riches et puissants qui, pour des raisons d'argent ou de pouvoir, n'hésitent pas à commettre les actes les plus répréhensibles. Pitt croise le fer avec ces gens, ce qui lui coûte son poste. Il est alors recruté par la Special Branch, créée au moment où l'Irlande est en ébullition, mais dont le mandat s'élargit progressivement. On ne peut pas dire grand chose de cette organisation qui est aussi secrète que le Cercle. Rassurons-nous, cependant, Pitt ne devient pas un maître-espion et se contente de faire ce qu'il connaît le mieux : des enquêtes minutieuses pour dénouer les enchevêtrements redoutables des intrigues qu'il doit résoudre.

Les romans d'Anne Perry se rapprochent du roman à énigme, mais revisité, au sens où non seulement les personnages ont une rare densité, mais la ville de Londres elle-même vit sous nos yeux dans toute sa quotidienneté. Si j'avais nommé quelqu'un dans les auteurs apparentés, j'aurais probablement inscrit le nom d'Agatha Christie. A condition, toutefois, d'y ajouter l'atmosphère de Maîtres et Valets (Upstairs, downstairs), ce très bon feuilleton de la télévision britannique qu'on a vu ici dans les années 70. Bref, deux séries attachantes et excitantes.

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