Intrusion (d'Elena Sender)Le club des polarophiles québécois
Intrusion (d'Elena Sender)JH (septembre 2010)
Note: ce même roman a été commenté par Michel en juin 2011. Voir le compte rendu.
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Elena Sender, dont Intrusion est le premier roman, est journaliste scientifique à la revue Science et Avenir. Et ce roman est visiblement construit autour de ses connaissances professionnelles en matière de psychiatrie et de neurosciences.
Le personnage principal, Cyrille, psychiatre et épouse de psychiatre, risque de devenir psychiatrisée lorsqu'elle découvre qu'une période de sa vie, remontant à une dizaine d'années, est complètement absente de sa mémoire. Et elle ne s'en était pas rendue compte jusqu'à ce qu'un de ses nouveaux patients, Julien, un parfait inconnu pour elle, lui apprenne (et documents à l'appui!) qu'elle l'a déjà traité à cette époque.
On est en plein suspense à mesure que Cyrille essaie de déterminer si elle est malade ou si elle est la victime d'un ensemble de manipulations. Et, à partir de la moitié du roman, le suspense vire au thriller lorsque les événements se bousculent pour l'empêcher de découvrir la vérité et, une fois découverte, de la faire connaître.
J'ai écrit ci-dessus que le roman est construit autour d'une question médicale. Le coeur de l'ouvrage, ce sont des questions de déontologie et même carrément de morale: est-on responsable d'actions que l'on a visiblement commises, mais dont on n'a gardé aucun souvenir? La personnalité d'un être humain peut-elle se résumer à sa mémoire et à la mémoire que les autres ont de lui? Et si la science pouvait agir sur la mémoire de quelqu'un (par exemple en faisant disparaître des souvenirs traumatiques) - c'est le sens du titre, l'intrusion de la médecine dans la mémoire -, serait-il moral de le faire? Quelles dérives faudrait-il alors éviter? Questions complexes et passionnantes, dont les réponses ne sont pas évidentes.
Autour de ce noyau médico-éthique, l'auteure tisse une intrigue inégale, en appliquant les recettes du suspense et du thriller médical. Ce sont des couches romanesques rajoutées à une problématique d'abord philosophique. L'intégration, pour être intéressante et plaisante, n'est toutefois pas parfaitement réussie. Le complot médical (puisque, évidemment, il y en a un!) est relativement convenu: il est difficile de faire original après Robin Cook et Michael Palmer. Et le choix de situer la seconde moitié du roman en Thaïlande semble quelque peu prétexte à descriptions exotico-touristiques. Une ou deux invraisemblances et hasards providentiels montrent que l'auteure manque encore un peu de maturité professionnelle.
Mais, malgré ces imperfections, la lecture est recommandable. Les personnages, particulièrement celui de Cyrille, sont crédibles et bien étoffés, les indices sont judicieusement semés et l'intérêt est soutenu tout au long du roman.
Ma note: 4/5