Le club des polarophiles québécois

Letendre et l'homme de rien (de Pierre Caron)

MD (août 2009)


En un coup d'oeil


À mon avis

Ce n'est pas le premier livre de Pierre Caron (Mon ami Simenon, Naissance d'une nation...), mais c'est son premier polar et ce devrait être le premier d'une série qui met en scène le collectionneur de livres rares Paul Letendre. Malgré la description épisodique d'une Prague de carte postale, l'essentiel de l'action se passe à Montréal.

J'aurais aimé embarquer davantage dans cette histoire qui présente des personnages sympathiques. Souvent les cozy mysteries me reposent agréablement et je n'ai pas besoin d'une douzaine de cadavres sanguinolents pour me tenir éveillé. Comme libraire-enquêteur dans des aventures amusantes et prenantes, par exemple, le Victor Legris de Claude Izner fait le poids. Dans le cas qui nous occupe aujourd'hui, cependant, l'intrigue n'est pas assez crédible et le personnage principal pas assez intéressant. Letendre a beau se demander ce qu'il vient foutre dans cette galère, ce n'est pas suffisant pour qu'on ne se le demande pas nous aussi. Son enquête ressemble à une machine à boules où l'enquêteur est répercuté, comme une boule, d'un beau hasard à un autre, selon les lois de la dynamique. Nous sommes à l'époque de Noël, et ses amis, notamment le pauvre chauffeur de taxi Marion, et la belle Alexandra de Prague, ont bien du temps à mettre à sa disposition. Cherche-t-il un livre ou un assassin? Il ne le sait plus. Égaré ou endormi, il a de la misère à rester cohérent : pour que le 1000$ qu'il a donné (aveuglément) pour un livre ne soit pas perdu, il dépense inconsidérément encore plus d'argent à voyager à Prague à la recherche de livres probablement volés, qu'il devra donc restituer à leurs propriétaires!?

Il n'est pas indispensable que le détective, ou l'enquêteur, soit un génie ou un artiste. Mais il doit être assez lucide et sensible pour que le lecteur s'intéresse à ses déductions ou à ses observations. Ici, les pressentiments tiennent lieu de raisonnement et la sensiblerie de sensibilité.

Cependant, on l'a vu récemment avec André Jacques, un premier polar assez ordinaire peut être suivi de meilleurs romans. Les qualités d'écrivain de cet auteur méritent d'être utilisées à meilleur escient. Caron a été notaire et avocat : peut-être serait-il bien inspiré d'écrire un polar juridique (où Letendre pourrait servir de témoin et où son amie Monique Legault deviendrait l'avocate subtile). Peut-être devrait-il passer par une période de lecture des meilleurs polars actuels pour mieux cerner son public-cible. Autrement, classer la série des Letendre non pas dans les romans policiers, mais dans les romans historiques chargés de décrire la vie quotidienne d'un collectionneur de livres à Montréal au début du XXIe siècle contribuerait davantage à lui rendre justice.

Ma note: 2,5 / 5