Le club des polarophiles québécois

Le passager (de Jean-Christophe Grangé)

JH (octobre 2011)


En un coup d'oeil


À mon avis

Jean-Christophe Grangé a déjà été un de mes auteurs cinq étoiles. Mais ses derniers romans (Miserere, La forêt des mânes) trahissaient un certain essouflement. Avec celui-ci, l'impression se maintient. Grangé a trop de talent pour être mauvais et son roman se lit quand même avec un certain intérêt; mais il n'a pas retrouvé la touche magique de ses premières oeuvres.

Le passager est consacré aux fugues psychiques, un phénomène psychiatrique rare par lequel un individu, à la suite d'un traumatisme, perd la mémoire. Mais, au contraire d'une amnésie classique, lorsque la mémoire lui revient, c'est celle d'une nouvelle identité, qui se présente sous forme d'une vie antérieure. Le cerveau s'est fabriqué de faux souvenirs. C'est ce qui arrive au personnage principal, Mathias (mais est-ce bien Mathias?). Sauf qu'il devient conscient du fait qu'il n'est pas celui qu'il pense être. Et, passager sans bagages, il se met à la recherche de son identité antérieure. Qu'il finit par retrouver, mais qui s'avère elle aussi une fabrication. Et ainsi de suite, comme des poupées russes, jusqu'à ...

Cette trame a l'avantage, pour le romancier, de permettre de décrire des identités différentes, évoluant dans des villes différentes, pratiquant des métiers différents et fréquentant des milieux différents. On a donc droit au monde des hôpitaux de Toulouse, des sans-abri de Marseille, des artistes de Nice, des dandies de Paris. Parallèlement, Grangé croise cette trame principale avec l'enquête de la policière Anaïs, qui traque Mathias (tout en étant amoureuse de lui) avec toujours un ou deux pas de retard. Sur cette double (en)quête plane l'ombre d'une mystérieuse société paramilitaire qui fait, vous l'aurez deviné, des expérimentations scientifiques secrètes. L'art d'étirer la sauce ...

Ces éléments romanesque épars sont ficelés malgré tout correctement, à la manière habituelle de Grangé. Pas de flirt avec le surnaturel ici, mais la même fascination vertigineuse pour l'extrême. Le substrat scientifique et médical est crédible et bien intégré à l'intrigue. Et le rythme est soutenu, même si les événements et les meurtres deviennent quelque peu répétitifs. Comme toujours chez Grangé, il y a quelques couleuvres à avaler, à la limite de l'invraisemblable, mais bon, je fais partie des lecteurs qui ne décrochent pas immédiatement à cause de ça et acceptent de jouer le jeu. Quant à la finale, Grangé a voulu finir en force, mais il en met trop: l'épique et le littéraire prennent leur envol au détriment du réalisme.

Après trois romans à 3,5, je crois que je vais laisser Grangé de côté pour quelque temps ...

Ma note: 3,5 / 5