Le club des polarophiles québécois

Radio-Vérité, la radio du vrai monde (de Jean-Jacques Pelletier)

MD (26 novembre 2008)

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En un coup d'oeil


À mon avis

« Isolé sur le sol au milieu des huées,
ses ailes de géant l'empêchent de voler »
(Baudelaire, L'Albatros)

Comme Pelletier se doutait que ses fidèles se morfondaient en attendant la suite des Gestionnaires de l'Apocalypse, il a commis une nouvelle d'environ 80 pages, publiée dans la Revue Alibis, où nous retrouvons avec plaisir l'inspecteur-chef Théberge aux prises avec la famille de sa femme et surtout avec une sombre affaire d'enlèvement. L'animateur populiste de Radio-Vérité, qui fait sien le slogan du PVQ (Pour de vraies solutions aux vrais problèmes... Un vrai parti avec le vrai monde pour le vrai monde), n'a pas donné signe de vie depuis deux jours, ce qui est inquiétant pour ses proches. Son besoin de déblatérer, en effet, contre les BS, les prostituées, les drogués, les immigrés, les chômeurs, les gauchistes, les fonctionnaires et les policiers, est si viscéral qu'il doit être bien mal pris pour ne pas pouvoir animer son émission. Probablement une vengeance, mais il s'est fait tellement d'ennemis que le SPVM cherche une aiguille dans une botte de foin. Et le fait que ses milliers de fans fouillent les maisons de Montréal, paralysent les lignes téléphoniques et congestionnent les communications sur le net, contribue à détériorer la situation. Or, à moins que le poste CFOK (lire : c'est focké) de Radio-Vérité ne consente à se saborder, le kidnappeur promet une escalade de sévices contre l'animateur. Heureusement que Théberge a une idée.

Nous avons le goût de saluer le retour sympathique de Théberge comme le fait gaillardement Rondeau : « Salut, empesteur-chef ». On retrouve aussi le style staccato de Pelletier : nombreux chapitres courts où se déroulent différentes facettes de l'action; écriture facile (ça se lit en moins d'une soirée); histoire branchée sur notre réalité très actuelle (critique impitoyable de la démagogie populiste dans le but d'augmenter les votes ou les cotes d'écoute), dénonciation de la collusion entre la finance et la politique; puis, une teinte d'humour pour facilité l'absorption. Ce sont là des qualités qu'on retrouve habituellement chez Pelletier. Il ne manque que le souffle épique de la saga apocalyptique, ce qui est normal en 75-80 pages, dira-t-on. Sauf que c'est peut-être le plus important. Ce qui est ici sacrifié, c'est le poids du récit, la densité des personnages, le sens du mystérieux, l'enquête astucieuse, la révélation brillante, et l'élan vital qui intègre ces éléments dans une apothéose orgasmique. La chair disparue, reste le squelette, bien sympathique quand même.

Donc, un peu frustrant, mais fallait le faire. Schubert composait de magnifiques et complexes symphonies, mais certains préfèrent ses lieder.

Ma note: 3,5 / 5