Le club des polarophiles québécois

Les polaroïdes: pas des polars, mais presque!


Il s'agit, à notre avis, de romans exceptionnels, mais qui ne sont pas des polars de plein droit et qui ne sont pas considérés comme tels par les libraires. Même si l'intrigue peut présenter des caractéristiques policières, celles-ci ne sont pas majeures et servent plutôt de prétexte à développer une analyse psychologique, un constat sociologique ou une réflexion philosophique.

Mais il s'agit néanmoins pour nous d'authentiques Coups de coeur chaudement recommandés!


Les désarrois de Ned Allen et L'homme qui voulait vivre sa vie (de Douglas Kennedy)

Kennedy n'était pas vraiment un auteur de polars et ne l'est carrément plus depuis ses derniers romans. C'est essentiellement un spécialiste de la psychologie (particulièrement féminine) et un critique de la société conservatrice américaine. Mais Les désarrois de Ned Allen, tout comme L'homme qui voulait vivre sa vie sont construits autour d'un meurtre et d'une intrigue policière de type suspense. Celle-ci est plus une trame de fond ou un prétexte que l'objet même du roman, mais elle soutient efficacement l'intérêt.

La thème de prédilection de Kennedy, récurrent dans tous ses romans, c'est la descente aux enfers. Un personnage principal qui semble avoir réussi dans la vie à tous égards et qui voit tranquillement sa vie s'effondrer comme un jeu de dominos dans une mécanique digne d'une tragédie grecque, perdant successivement emploi, argent, famille, réputation au fil du déroulement d'un engrenage infernal. Mais c'est aussi le romancier de la résilience, puisque ses personnages finissent au bout du compte soit par remonter la côte, soit par atteindre la catharsis.

Malgré un rythme lent, ces deux romans sont impossibles à lâcher. Les dialogues sont tellement justes, les personnages sont tellement vrais, le milieu social est si finement décrit qu'on n'a même pas la tentation de lire en vitesse surmultipliée comme lorsque d'autres auteurs se perdent dans des digressions et la psychologie de bazar. Kennedy est un grand écrivain.

Si ces deux romans vous plaisent, vous voudrez aussi lire Les charmes discrets de la vie conjugale, qui n'a absolument rien à voir avec le polar, mais qui narre, sur la durée d'une vie, la chronique de l'évolution d'une femme dans une petite ville de Nouvelle-Angleterre. Un cran plus bas, mais tout de même intéressant, vous lirez peut-être La poursuite du bonheur. Mais vous pouvez, à mon avis, éviter ses autres romans, à moins d'avoir attrapé une véritable addiction à Kennedy!

JH

Seul le silence (de R.J. Ellory)

Voir ma critique détaillée de ce roman.

JH

Le huit (de Katherine Neville)

Roman monumental, dans tous les sens du terme, à commencer par ses 700 pages. Thriller ésotérique? Polar historique? Suspense? Roman d'aventures? Un peu de tout cela et plus. Livre culte dès sa sortie aux États-Unis en 1988, il ne fut traduit en France qu'en 2002 où il connut, avec ce décalage de près de quinze ans, un succès comparable.

Le livre est basé sur le jeu d'échecs mais, contrairement au Tableau du maître flamand, de Pérez-Reverte, il n'est pas nécessaire de connaître ce jeu pour comprendre le roman. On parle d'abord d'un jeu d'échecs physique, possession de Charlemagne, dont les pièces ont été dispersées ensuite aux quatre coins de l'Europe. Celui qui les réunira à nouveau disposera d'un pouvoir absolu. Neville entreprend de nous narrer simultanément l'histoire de ce jeu au cours des siècles (et nous promène donc allègrement dans les diverses cours d'Europe à travers les âges) et l'histoire, fictive et contemporaine, de son héroïne qui comprend un jour qu'une formidable partie d'échecs planétaire se déroule au sein des magnats de ce monde, où les personnages du roman, dont elle fait partie, sont des pions.

Vous avez un excellent résumé du roman ici et encore .

À mi-chemin entre Dan Brown et Umberto Eco, Katherine Neville a réussi, avec ce premier roman, un coup fumant. Si vous n'avez pas lu Le huit, c'est à faire de toute urgence. Mais méfiez-vous! Les romans suivants de Neville (Le cercle magique et Un risque calculé) sont malheureusement complètement ratés. Elle vient de sortir (2008) une suite au Huit (The Fire, non traduit en français), que je n'ai pas encore lue. Espérons qu'elle aura retrouvé l'inspiration et le souffle épique de son premier roman.

JH

La théorie des cordes (de Jose Carlos Somoza)

Somoza, écrivain cubain vivant en Espagne, est un inclassable qui s'est promené du polar historique et d'érudition (La caverne des idées se déroule dans l'Athènes de Platon!) à l'histoire de l'art et à la science-fiction. Auteur original, habituellement touffu, délirant et difficile d'accès, il réussit cette fois avec son dernier roman, à se ramasser dans une histoire bien ficelée, rigoureuse et terrifiante. C'est de la science-fiction, pourrait-on dire, car une sommité de la physique quantique met en place un dispositif permettant de retrouver (physiquement) des images du passé, autant de la préhistoire que de la Palestine au temps du Christ. Mais c'est aussi un polar, car l'équipe de scientifiques est frappée d'une série de meurtres inexplicables. Mais c'est aussi un roman psychologique, qui explore la folie et le monde obscur de l'inconscient.

Le résumé de l'intrigue est ici.

Un roman atypique, à la forte personnalité, irritant par moments, mais passionnant. Pour sortir des sentiers battus et à condition que la tête ne vous tourne pas trop facilement!

JH