Le club des polarophiles québécois

Marcus Sakey


Des gens bienSeulement les morts

Des gens bien (de Marcus Sakey)

JH (août 2009)


En un coup d'œil

  • Date de publication originale: 2008 (Good People)
  • Date de l'édition française: 2009 (Le Cherche-midi, 329p)
  • Genre: suspense.
  • Mots-clés: magot, cavale.
  • Personnages principaux: Anna et Tom Reed, un couple de "gens bien".
  • Résumé: ici
  • Liens externes:
    • Une interview (traduite en français) de Marcus Sakey sur son roman.
    • Le site officiel de l'auteur (en anglais).

À mon avis

Marcus Sakey est une étoile montante du roman de suspense américain. Des gens bien est son troisième roman (son deuxième traduit en français, après l'excellent Désaxé en 2007.

Ce roman est sans doute destiné à devenir un classique. Pourtant, l'amorce n'est pas très originale et a déjà été exploitée par d'autres romanciers. Tom et Anna, un couple bien ordinaire de gens bien, découvrent par hasard un magot planqué chez leur locataire, qui vient d'avoir la mauvaise idée de décéder d'une overdose. Avec leurs dettes et leurs rêves non réalisés, la tentation est trop forte: avant de prévenir la police, ils mettent le main sur le pactole, ni vus ni connus. L'ennui, c'est que le magot est le résultat d'un braquage et que le locataire décédé avait lui-même subtilisé à ses comparses. Dans le même braquage avait également disparu un stock considérable de drogue. Vous voyez venir l'affaire: Jack, le leader des braqueurs, s'est bien juré de remettre la main sur "son" bien; tout comme le dealer de drogue, qui veut la peau de Jack pour des raisons bien compréhensibles. Ajoutez l'inspecteur de police, qui essaie de comprendre quelque chose à l'affaire alors qu'on lui a caché l'essentiel et qui a lui-même des motivations pas très claires, et vous avez les ingrédients d'un formidable suspense au centre duquel se trouvent coincés Tom et Anna, des gens bien qui ont eu le tort de céder à une cupidité compréhensible.

Sakey ne renouvelle pas le genre, loin de là, mais il le maîtrise à la perfection. Il joue cartes sur table: pas de coups fourrés, pas de rebondissements inattendus; tous les éléments de la mécanique infernale sont en place dès le début et se déploient ensuite implacablement comme une tragédie grecque. Boileau-Narcéjac n'auraient pas renié ce roman, à l'atmosphère angoissante, aux personnages minutieusement décrits de l'intérieur (tous, et pas seulement les protagonistes) et à l'écriture limpide et transparente. Sauf pour le feu d'artifice final, le rythme est celui du suspense: lent mais implacable, chaque chapitre ajoutant un cran au cliquet de l'étau qui se resserre, sans un poil qui dépasse, sans la moindre distraction inutile et sans la moindre coquetterie stylistique ou romanesque.

Avec ce roman, Sakey signe un suspense magistralement classique, dans la grande tradition. Il n'a pas le souffle et l'envergure de L'analyste, de Katzenbach (qui demeurera sans doute longtemps inégalé), mais c'est une réussite parfaitement ciselée. À lire dès que possible.

Ma note: 5/5 et Coup de coeur.


Des gens bienSeulement les morts

Seulement les morts

RP (Février 2012)


En un coup d'œil

À mon avis

Jason Palmer est de retour à Chicago après avoir participé à l’invasion de l’Irak avec les troupes américaines. Il essaie d’oublier la guerre en butinant de fille en fille. Un jour il est agressé par deux voyous qui en veulent à son frère Michael. Peu de temps après celui-ci périt dans l’incendie criminel de son bar lui laissant son fils Billy sur les bras. La police attribue l’accident à des représailles des gangs contre un habitant du quartier, sans investiguer davantage. Jason lui est persuadé que son frère était impliqué dans quelque chose d’important, d’autant que le petit Billy est à son tour visé par des tueurs.

Helena Cruz est officier de Police. Elle a été mise sur la touche à cause d’une sombre histoire de coucherie avec un supérieur. Elle est maintenant reléguée à une tâche administrative inintéressante : maintenir une base de données. Elle connaissait la victime de l’incendie qui collaborait avec la police pour lutter contre les gangs de son quartier. Elle n’est pas officiellement en charge de l’enquête, mais elle est intéressée. Elle s’implique encore davantage après qu’un informateur anonyme lui ait communiqué des indices pour découvrir l’identité des tueurs.

Jason et Helena vont se rapprocher (et être on ne peut plus près) pour essayer de tirer au clair cette affaire et protéger Billy.

L’écriture est simple, efficace, sans particularité stylistique. Côté personnages, je dois avouer ne pas avoir particulièrement apprécié le héros principal Jason Palmer à cause du manque de cohérence de son portrait psychologique : comment avaler que ce looser revenant d’Irak en quasi dépression se transforme en un tour de main en combattant téméraire ? Ce type, même en civil reste un soldat nostalgique de l’armée qu’il a pourtant quitté de façon piteuse. Il est satisfait de retrouver, dans sa bataille contre les méchants, une atmosphère de guerre. Et puis Sakey m’a bassiné avec sa fascination du soldat, comme si seulement un militaire pouvait avoir sens de l’honneur et rigueur morale. Il n’a pas dû regarder les images, en provenance de l’Irak justement, montrant les exactions commises là bas par les militaires américains. Helena Cruz, elle, a du mordant, elle a une revanche à prendre, elle veut regagner sa place comme policier de terrain.

Vous l’aurez compris, l’intérêt du livre ne réside pas dans la qualité du style ni celle des personnages mais dans l’action et dans la montée du suspense. De ce côté-là c’est réussi. Après un début assez lent, l’action s’emballe, les péripéties se succèdent. On est pris dans un tourbillon de rebondissements qui s’enchaînent à rythme élevé.

Avec ce roman, Markus Sakey nous livre un bon thriller classique avec tous les codes du genre : les policiers corrompus, les politiciens véreux, l’inévitable histoire d’amour et les chevaliers blancs qui, seuls contre tous, vont faire éclater la vérité et rendre la justice. De l’ultra classique donc, avec les bons ingrédients et parfaitement réalisé. On peut s’en contenter si on veut passer un bon moment avec un livre distrayant. Les plus exigeants resteront sur leur faim. Parmi eux tous ceux qui aiment trouver dans un bouquin des personnages psychologiquement bien campés, une écriture travaillée, la critique des travers de la société, des ambiances bien crées, de l’humour, de la fantaisie … et tout ce qui peut faire qu’un bon polar soit davantage qu’un scénario pour film hollywoodien.

Ma note : 3,5 / 5

Des gens bienSeulement les morts