Nos 5 étoiles

Harlan Coben

JH (nov 08)

Voir aussi mon compte rendu de Sans un mot (avril 2009) et de Faute de preuves (janvier 2012), ainsi que celles de Michel (août 2009) sur Promets-moi, le dernier Myron Bolitar et Mauvaise base (septembre 2010), un Bolitar précédent. Comme je vous dis, oubliez les Bolitar!


En un coup d'oeil

NOTE: L'oeuvre de Coben se compose de deux volets: la série des Myron Bolitar (8 romans) et ses romans isolés (7). Nous parlerons exclusivement de ces derniers ici. La série des Bolitar a lancé la carrière de Coben et se compose pour l'essentiel d'oeuvres de jeunesse - pas mauvaises, mais certainement pas des 5 étoiles. En 2001, avec Ne le dis à personne, Coben a réorienté sa production vers des romans d'un tout autre calibre et a maintenu le rythme à raison d'un roman par année. Mais, surprise, en 2006, il ressort Bolitar des boules à mites et nous annonce même un autre Bolitar pour 2009.

  • Naissance: 1962
  • Nationalité: américaine.
  • Premier roman publié: (sauf les Bolitar): Ne le dis à personne (2001, traduction française en 2002). Ce roman a été porté au cinéma en 2006, en France curieusement, par Guillaume Canet.
  • Personnage vedette: (sauf Myron Bolitar) aucun.
  • Lieux de prédilection pour ses intrigues: New York et le New Jersey.
  • Genre(s) de prédilection: suspense.
  • Liste des romans (non Bolitar) traduits en français (tous chez Belfond):
  • Ordre de lecture à respecter, s'il y a lieu: non.
  • Romans plus faibles à éviter, s'il y a lieu: Les Myron Bolitar, justement!

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À mon avis

Depuis qu'il écrit des romans solo, Coben renoue avec la grande tradition du suspense à la Boileau-Narcejac. Pas étonnant, dans cette perspective, que la première adaptation cinématographique d'un de ses romans (Ne le dis à personne) ait eu lieu en France et non aux États-Unis.

Il explote avec talent le thème de la disparition inexpliquée ou faussement expliquée. Dans une vie en apprence tranquille, un détail surgi du passé remet brutalement en question des souvenirs, un scénario de vie dont on apprend tout à coup qu'il était faux, qu'il avait été manipulé. Des personnes que l'on avait crues mortes sont en fait bien vivantes; quelqu'un s'avère être quelqu'un d'autre; un événement que l'on avait cru classé ne s'est pas passé, en réalité, comme on l'avait toujours cru. Et le roman devient alors, après la déconstruction brutale des souvenirs de toute une vie, la lente, patiente et angoissante reconstruction de ce qui s'est réellement passé.

Faux-semblants, pièges, mensonges, manipulations, apparences, secrets inavoués, mémoires qui chavirent, voilà le fonds de commerce d'Harlan Coben. Il illustre brillamment, sur le mode romanesque, cette conception philosophique voulant que la réalité n'existe pas en soi, mais n'est que le résultat, dans la perception d'un individu, d'un ensemble de constructions mentales basées sur des informations partielles et pas toujours fiables. En lisant un roman de Coben, méfiez-vous! Bons et méchants peuvent facilement intervertir leurs rôles. Ce qu'on vous raconte, même de bonne foi, a de bonnes chances de ne pas correspondre à la réalité. La carte qu'on vous met sur la table est probablement truquée. Et si vous avez l'impression, en cours de lecture, d'avoir compris, c'est probablement que vous avez tout faux.

Coben respecte les règles fondamentales du suspense. Le personnage principal n'est jamais un enquêteur, mais une personne ordinaire dont la vie vient de basculer et qui doit déployer tous les efforts pour se convaincre qu'il n'est pas fou et pour retrouver un fil conducteur dans un univers qui vient d'être mis en pièces. Et quand la police officielle apparaît, c'est rarement une bonne nouvelle: se fondant sur les apparences soigneusement manipulées par le vrai méchant, elle ajoute une pression supplémentaire sur le personnage principal en en faisant le suspect numéro un. À la menace caractéristique du suspense, Coben ajoute donc souvent la dimension très dynamique de la cavale et du seul contre tous.

Là où Coben fait évoluer le genre et où se traduit sa modernité, c'est au niveau du rythme. La progression lente de la menace, classique chez Boileau-Narcejac, cède ici le pas à une narration nerveuse et à un découpage très cinématographique, avec rythme de thriller, scènes courtes et narrations croisées. Il dit s'efforcer d'appliquer le plus possible la maxime d'Elmore Leonard: J'essaie de couper tout ce que vous seriez tentés de sauter.

Ce rythme soutenu démarre dès les premières pages d'un roman. Coben accroche l'intérêt du lecteur dès le premier chapitre et ses amorces sont toujours punchées. Qu'on en juge:

Et ainsi de suite.

Contrairement à un John Katzenbach par exemple, qui se renouvelle à chaque nouveau roman, Coben s'en tient à une formule éprouvée et, d'un roman à l'autre, la formule finit par sentir la recette - un peu comme Jeffery Deaver. Mais, comme chez ce dernier, la formule est tellement maîtrisée et tellement efficace qu'on se laisse prendre une fois de plus.

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