Le club des polarophiles québécois

Dorchester Terrace (de anne Perry)

MD (Avril 2012)

Voir aussi ma fiche 5 étoiles pour Anne Perry.

En un coup d'œil

À mon avis

Le résumé recommandé plus haut n’est pas mauvais mais la critique est sévère. Je reconnais, toutefois, qu’on pourrait couper une centaine de pages (beaucoup de redondance), que le rythme est plutôt lent, que les méchants sont repérables assez tôt (ne serait-ce que parce qu’il y a peu de personnages importants et que Perry est une auteure trop classique pour faire apparaître un grand méchant seulement dans les cinquante dernières pages), que l’intrigue, la double-intrigue, devrais-je dire, est cousue de fil blanc, et que le dénouement est du genre invraisemblable (je parle autant de la poursuite dans les bois que de la deuxième stratégie (le plan B) pour assassiner le duc autrichien.

Comprenons, cependant, que ce n’est plus tellement cet aspect puzzle ou dévoilement de mystère qui intéresse Perry. Ses romans n’ont plus rien à voir avec les crimes et enquêtes d’Agatha Christie. Et, malgré l’insistance de plus en plus vive sur la toile de fond historique, ici les relations entre l’Autriche-Hongrie, la Croatie et la Serbie, la jeune Italie (1897), la vigoureuse Prusse, et le reste de l’Europe (un personnage en vient même à prévoir avec précision les événements structuraux qui mèneront à la Première Guerre Mondiale), je n’ai pas l’impression de lire un polar historique ni vraiment un roman d’espionnage. Et bien que la vie quotidienne à Londres à la fin du XIXe siècle soit décrite avec minutie, les enquêtes de Pitt avaient, entout cas il y a 5 ou 6 romans, une intrigue trop serrée et un dévoilement trop astucieux pour qu’on ait l’impression d’avoir affaire à des romans historiques. Un Poirot ou un Holmes ne nous donnent pas l’impression de nous intéresser à un polar historique. Mais, quand l’aspect problématique passe au second plan, l’historique, le géographique ou le psychologique remplit l’espace.

Le lecteur en vient plutôt, et c’est une bizarre d’expérience, à vivre le même plaisir que l’auteure, c’est-à-dire le plaisir de fréquenter des personnages qui, après avoir vécu avec nous plus de 25 romans, ont acquis une existence quasi réelle et bien plaisante : ce cher Pitt, la dévouée Charlotte, l’impressionnante Vespasia, le dur et expérimenté Narraway… Ils font partie de la famille, comme la branche italienne avec le commissaire Brunetti, Paola, leurs enfants, le courageux Vianello et l’astucieuse signorina Elettra (dans les polars vénitiens de Donna Leon). C’est comme les amicales veillées d’antan où un grand-père racontait les aventures des anciens. Plaisir des retrouvailles. Et tant mieux si le vieux a le sens du suspense.

C’est quand même un peu plus que ça : il y a du piquant à voir Pitt et Narraway intervertir leur rôle : Pitt dirige la Special Branch (source du MI 5) et Narraway enquête sur le terrain.. La finale ne manque pas non plus d’un rebondissement étonnant et prometteur dans les rapports entre Pitt et le duc. Et c’est bien écrit.

C’est certain que ça m’est difficile d’imaginer ce que peut ressentir quelqu’un qui s’initie à  la série des Pitt par ce vingt-septième roman. Pour ma part, après la fastidieuse lecture de Marinina, je suis entré dans ce roman comme dans un gant, même si je m’y suis senti un peu à l’étroit.

Ma note : 3,5 / 5