Le club des polarophiles québécois

Poison conjugal (de Greg Iles)

JH (octobre 2010)


En un coup d'oeil

  • Date de publication originale: 2006 (True Evil)
  • Date de l'édition française: 2010 (Presses de la Cité, 473p)
  • Genre(s): suspense, thriller médical.
  • Mots-clés: cancer, virus, mariage.
  • Personnages principaux: Chris Shepard, médecin; Alex Morse, agent du FBI.
  • Résumé: ici et .

À mon avis

Seulement six des romans de cet auteur ont été traduits en français. Sa production, comme on peut le voir sur son site, est plus abondante, et habituellement d'une grande qualité.

Plusieurs de ses romans se situent à Natchez, dans le Mississipi profond, où les séquelles des anciennes tensions raciales sont encore bien tenaces. L'avocat Penn Cage est le héros de ces quelques romans sudistes. Mais Iles est un auteur polyvalent et curieux. Après avoir commencé sa carrière en marchant dans les traces de Ken Follet ou de Frederick Forsyth avec deux romans de conspiration post-nazie, il touche aussi bien au thriller métaphysique sur fond de science-fiction (The Footprints of God, un chef d'oeuvre; si vous lisez l'anglais, prière de vous précipiter!) qu'à la médecine scientifique, flirte avec l'éso avec un polar touchant la transmigration des âmes (Passion mortelle, pas son meilleur), écrit le polar de référence sur le kidnapping (Vingt-quatre heures pour mourir) et explore le monde de la création picturale (La femme au portrait).

Ce sont tous des romans très forts, construits autour des tensions psychologiques entre des personnages denses plutôt que sur les intrigues à rebondissements multiples. Bien qu'il prenne la peine de fouiller la psychologie de ses personnages, l'écriture demeure fluide, sans enflure ni longueur, et soutient constamment l'intérêt. Une valeur sûre, selon moi.

Voir cependant, un compte rendu très critique de La femme au portrait, par mon copain Michel qui n'a visiblement aucune affinité avec cet auteur!

Parlons un peu de ce Poison conjugal. Roman encore situé à Natchez, mais qui n,exploite pas la veine habituelle des romans sudistes d'Iles, axés sur les tensions raciales. D'ailleurs, même si Penn Cage (et surtout son père, le Dr Tom Cage) y tiennent des petits rôles de figuration, le héros est un médecin, Chris Shepard, qui apprend par l'agent Alexandra Morse, du FBI, que sa femme a payé quelqu'un pour le faire mourir du cancer. Qui? Et surtout, comment?

Ce roman n'est cependant pas un whodunit classique, puisque la menace est identifiée très tôt dans le roman, et il n'y a pas de coup de tonnerre quand on identifie le méchant. Iles choisit plutôt la voie du suspense: comment Alex va-t-elle s'y prendre pour convaincre Chris d'abord, et ses supérieurs ensuite, que la menace est réelle? Les meurtres en série dont elle est convaincue (y compris celui de sa propre soeur, qui ouvre le roman) se présentent pourtant tous comme des morts naturelles: des cancers tout ce qu'il y a de médical. Comment prouver qu'il y a eu meurtre? Et comment coincer ensuite le serial killer, qui est fort bien organisé et qui est à l'abri de sa respectabilité?

L'histoire du médecin ripou s'acoquinant avec des entreprises pour faire du fric et poursuivre des expérimentations médicales interdites n'est pas spécialement originale, on en convient. Mais Iles a le mérite de nous livrer cette clé très tôt et de ne pas en faire une révélation en forme de pétard mouillé.

La partie élucidation est à peu près ficelée à la moitié du roman. La seconde partie est l'affrontement entre Chris, la victime potentielle et Alex, la Don Quichotte lâchée par sa hiérarchie, d'une part; et Eldon Tarver, le Mengele du Mississipi, d'autre part. Le suspense devient thriller, culminant dans une finale quasi-hollywoodienne.

Ce roman ne passera pas à l'histoire, car il nous raconte une histoire finalement assez convenue. Mais cette histoire est racontée avec talent, l'intérêt ne se dément pas une seule seconde et les personnages, sans être très originaux, sont bien étoffés. La recherche médicale qui doit soutenir cette histoire est impressionnante et jamais didactique, bien intégrée à l'intrigue.

Bref, un roman solide qui ne hantera pas vos nuits après l'avoir refermé, mais qui vous procurera quelques moments appréciables de plaisir et d'évasion.

Ma note: 4/5